Le bouddhisme en France, fausses idées et vraies dérives

LIVRE•Dans «Les dévôts du bouddhisme», l’auteure Marion Dapsance décrit l’apparence sectaire que prennent certains centres tibétains en France…

Le est en France cette semaine , au moment où paraît, le 15 septembre, Les dévots du bouddhisme (Max Milo), un « journal d’enquête » écrit par Marion Dapsance, anthropologue qui a passé sept ans à étudier . Dans cette plongée au sein des centres Rigpa, organisation internationale dont le vaisseau-amiral, le Lérab Ling, est situé en France, dans l’Hérault, l’auteure décrit un microcosme étonnant tout entier tourné vers son astre central, lama fondateur de Rigpa connu pour son... .

Un « enfant » ultra-matérialiste et libidineux
Ce best-seller, publié en 1993 et préfacé par le 14ème dalaï-lama dans sa réédition de 2005, est un texte essentiel pour ses adeptes. exactement en France ? Impossible de savoir, tant le turn-over est important dans la dizaine de centres hexagonaux, explique Marion Dapsance. Sogyal Rinpoché y est considéré comme un « grand maître » du bouddhisme tibétain, et ses apparitions publiques (au centre de Levallois-Perret par exemple), attirent foule de curieux.
Mais il traîne aussi quelques controverses depuis les années 90, nourries par (affaire réglée par un accord financier à l'amiable) et d'anciens fidèles. Le portrait que dresse l’auteure de l’un des plus célèbres lamas à avoir exporté sa religion en Occident va dans le même sens et tranche avec l’aura quasi divine que lui confèrent ses disciples. Rinpoché est décrit comme un « enfant » ultra-matérialiste, gérant Rigpa comme une multinationale. La liste de ses besoins lors de ses déplacements ne correspond pas exactement à l’idée que l’on se fait d’un sage décryptant les mystères de l’esprit : une télévision (avec la BBC et CNN), un lecteur DVD, un parc et une piscine (chauffée à 30°c minimum) à proximité, un lit double, un steak-frites pour le repas, etc...le tout dans des hôtels luxueux avec une délégation pour s’occuper du moindre de ses besoins, et notamment celui de se faire masser.

De très chères retraites pour apprendre à satisfaire Rinpoché
Car dans « l’apprentissage » - moyennant au moins plusieurs centaines d’euros pour une retraite dans un centre Rigpa - dispensé par Sogyal Rinpoché, le travail sur soi consiste aussi à satisfaire le « grand maître ». Au sein de Rigpa, on appelle cela le « lama care » (les soins apportés au lama), officiellement une forme de « méditation en action » mis « au service des enseignements », décrit l'anthropologue.

D’anciennes « dakinis », des femmes au service de Rinpoché que Marion Dapsance a rencontrées, racontent leur passage dans la chambre d’un chef qui retournait alors les peintures de divinités pour laisser apparaître des photos de nus, avec manifestement un fort intérêt pour Emmanuelle Béart. Et quand il n’est pas là (il a environ 130 centres à gérer dans le monde), les séances de méditation « en présence » de Rinpoché se font via un téléviseur, ce qui n’aurait aucune incidence selon « le grand maître » sur la capacité à échanger les chakras, même par écran interposé.

Pour autant, l’auteure des Dévots du bouddhisme ne veut pas utiliser le mot secte : « Certes, il y a une hiérarchisation, avec une sélection par paliers en éliminant les gens au fur et à mesure que l’on se rapproche du maître. C’est le modèle des écoles initiatiques, Rinpoché prenant de grandes libertés avec les enseignements traditionnels. Mais le mot secte n’a pas de définition claire, il est devenu péjoratif et sert surtout à désigner, dénigrer puis exclure un groupe », explique-t-elle. En dépit de l’enseignement très différent du bouddhisme tibétain qu’il prodigue en Occident, Rinpoché ne ferait que répondre à un besoin d’« athéisme religieux » parmi ses disciples, souvent issus des classes moyennes éduquées et de familles chrétiennes.

Le dalaï-lama sait mais ne dit rien

« C’est le truc à la mode, un peu bobo. Ils rejettent la figure d’un Dieu monothéiste, et se tournent vers des religions que l’Occident connaît mal et encense pour de fausses raisons, et qu’ils voient comme une alternative au christianisme, mais sans aller jusqu’au bout de la démarche athée, le nihilisme. Le bouddhisme est vu comme à mi-chemin », décrit Marion Dapsance. Ce besoin de « psychologisation » d’une religion rappelle les groupuscules New Age des années 70 aux Etats-Unis, influencés par la psychologie analytique et la théosophie, qui promettaient de rendre l’Homme meilleur par une forme de spiritualité rationnelle. « C’est tout à fait ça », confirme l’auteure.

Le dalaï-lama est-il au courant des pratiques du lama Rinpoché ? Marion Dapsance assure que oui : « Après des premières accusations dans les années 90 au sujet de Sogyan Rinpoché, le dalaï-lama avait refusé de signer une charte de bonne conduite pour les lamas qui enseignent en Occident. Soit il y a des questions d’argent, soit, et c’est plus probable, ils veulent garder une vitrine d’unité car le dalaï-lama est en exil et ne veut pas donner une mauvaise image du bouddhisme tibétain », ajoute l’auteure du livre. A l’occasion de son passage en France, du 12 au 18 septembre, la question pourrait lui être posée.

*Les Dévots du bouddhisme, éditions Max Milo, 20€, 15 septembre 2016.

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Jean Salazar
AveMaria44
Celle-là je ne l'avais pas....un grand moment d'émotion
Catholique et Français
Le Dalaï Lama, c'est celui que "saint" Jean-Paul II appelait sans rire "Votre Sainteté". Entre "Saintetés", on se comprend...
AveMaria44